Témoignages de Brice Monégier du Sorbier, Eric

Témoignages de Brice Monégier du Sorbier, Eric Bellion et Hervé Olagne, trois amis partis faire le tour du monde à bord du Kifouine.

L’attente pour le passage du canal de Panama est interminable. Dix jours s’écoulent, entre tracasseries administratives, visite technique de Kifouine et inactivité au port de Colón. La capitale déchue du Panama offre le visage dévasté d’une économie à la dérive.

C’est un coupe-gorge, un bordel à ciel ouvert.

Enfin, Kifouine, surchargé d’eau, de gasoil et de provisions, paré de sa ceinture de pneus noirs, s’engage à petite vitesse dans le convoi du jour. Lors du passage de la première écluse, nous sommes escortés par un Panamax, l’un de ces bateaux gigantesques spécialement conçu aux dimensions du Canal. Les millions de litres d’eau se vident en un instant, les amarres se tendent, les esprits s’échauffent, les pilotes s’énervent. Pourtant, tout se passe bien. Nous arrivons sur le lac Gatun. Tout au long du trajet, c’est un chassé-croisé ininterrompu de cargos, de porte-conteneurs, de pétroliers, de céréaliers, de méthaniers, qui défile sous nos yeux. L’économie mondiale en action !

Sur le lac, un crocodile paresseux vient nous rendre visite. Enfin, nous pénétrons dans la portion construite par Ferdinand de Lesseps, où vingt-sept mille pauvres diables laissèrent la vie, rongé par le typhus et le choléra. Nous voici dans l’écluse Miraflores, qui descend vers le Pacifique.

Les énormes portes d’acier s’ouvrent. Kifouine s’avance. Ça y est : nous sommes désormais des « Pacificos ».